Award Year: 
2017
Award Recipient: 
Sylvie Ruel
Category: 
Best French-Language Feature
Placement: 
First Place
Published in: 
Jornal de Montreal
Date: 
May 6, 2017
Award Sponsor: 
Quebec City Tourism

Voguer sur l’Amazone et l’Orénoque

Une croisière sur l’Amazone, vous dites? Oubliez les îles enchanteresses encerclées de plages sablonneuses! Naviguer sur le plus long fleuve du monde, c’est pénétrer au cœur de la forêt tropicale humide, au milieu d’une végétation luxuriante et d’une faune riche et variée. Une expérience unique!

Toute une expérience aussi pour les ­navires de croisière qui remontent ce fleuve mythique, long de 6500 km, et qui se ramifie en plusieurs branches. Plus le navire est petit, plus il peut s’enfoncer loin au cœur de la forêt.

«L’Amazone n’a pas beaucoup d’eau, ses fonds se déplacent et les cartes marines sont imprécises», a commenté le commandant Mickaël Debien, qui était à la barre du Soléal, un navire de 142 mètres, de la compagnie du Ponant, au cours d’une croisière expédition de 17 jours effectuée­­ en avril dernier sur les fleuves Amazone et Orénoque.

Parti de Récife, au Brésil, le Soléal a ­navigué à travers le Brésil, puis vers la Guyane française et le Venezuela avant de rejoin­dre la Barbade et la Martinique.

Comme l’Amazone se subdivise en ­plusieurs cours d’eau, chenaux et canaux, parfois trop étroits pour accueillir notre navire, c’est surtout à bord de Zodiacs que les passagers du Soléal ont exploré les splendeurs de ce fleuve. Des naturalistes chevronnés les ont accompagnés pour commenter la faune et la flore.

Notre première sortie matinale, à Rio Guajara, au Brésil, avait l’allure d’un festival ornithologique: colibris, perruches, sternes à gros becs, tyrans des savanes, urubus à tête jaune, aigrettes, toucans colo­rés, aras et autres volatiles se ­faisaient la jasette d’une branche à l’autre... Et nous n’avions pas fini d’en voir! L’Amazonie compte 3800 espèces d’oiseaux. On dit même que l’Amérique du Sud est le lieu d’origine des oiseaux. Un climat stable depuis 60 millions ­d’années, sans aucune glaciation, en ­serait l’explication.

Si au premier regard, la forêt amazonienne nous a semblé homogène, l’effet de surprise n’a pas tardé. Au cours de nos excursions, nous avons observé de gros iguanes au sommet des arbres, vu des dauphins roses sauter autour des ­Zodiacs, un paresseux se la couler douce sur la branche d’un arbre, des bandes d’aras au plumage coloré parader dans le ciel, des troupeaux de buffles se déplacer dans l’eau, des caïmans, des singes ­hurleurs, de grosses araignées, des ­morphos bleus... Nous avons également entendu le concert strident des grillons. Oui, il y a de la vie dans la forêt tropicale! Et aussi de la pluie! Se faire surprendre par une averse tropicale demeure un ­événement mémorable. Mais nous avons aussi eu droit à des couchers de soleil uniques.

Rencontres mémorables

Et croiser la population locale ajoutait au charme de nos excursions. Les ­Cabocle, des métis de Portugais et ­d’indigènes, vivent au bord du fleuve, dans des cabanes en bois sur pilotis. Ils parlent le portugais, se nourrissent de poissons, de manioc et des fruits de la ­forêt. À bord des pirogues qu’ils ­déplacent avec de petits moteurs électriques, ils venaient tourner autour du navire et nous saluer de la main. «Les Cabo­cle ne sont pas des indigènes, a tenu à préciser l’anthropologue Serge Guiraud qui accompagnait la croisière, mais ils ­vivent comme eux.» L’Amazonie est ­habitée par 900 000 autochtones appartenant à 300 ethnies différentes (69 groupes isolés) qui occupent 13 % du territoire.

Mais tout n’est pas rose en Amazonie. Si la plus grande forêt tropicale du monde (trois fois et demie la superficie du Québec) ­repré­sente le plus grand réservoir de ­biodiversité au monde, elle est menacée par la déforestation et la construction de barrages. Depuis 1970, environ 18 % de la forêt originale a disparu à cause de la déforestation et des ­activités humaines.

Des villes étaient également inscrites à l’itinéraire de notre croisière: nous nous sommes arrêtés à Bélem, au nord du Brésil, un port de mer entouré de 35 îles, dont l’une est peuplée de 7000 perroquets, puis à Santarem, réputée pour son marché de poissons et son marché de fruits et légu­mes. Pour rejoindre le delta de l’Orénoque, au Venezuela, nous sommes passés par la Guyane française, avec arrêt aux îles du Salut, trois petits morceaux de ­terre dans l’océan Atlantique, où se trouvait l’un des bagnes les plus durs (1854-1953).

Découvrir l’orénoque

Sur l’Orénoque, au cœur d’une végétation de savane, nous avons fait connaissance avec les Waraos qui habitent des huttes sur ­pilotis ­entièrement ouvertes sur l’extérieur. Les ­Waraos naviguent dans des pirogues basses adaptées aux canaux étroits et ­encombrés. Leur pagaie frappe l’eau sans ­faire ­d’éclaboussures, dans le silence le plus ­complet. Notre dernière excursion en Zodiac, à la Tortuga, a été récompensée par un véritable défilé d’aras, des oiseaux fabuleux aux plumages colorés, que les Incas poursuivaient au cœur de la jungle... et qui émerveillent toujours les visiteurs de passage.

Source : http://www.journaldemontreal.com/2017/05/06/voguer-sur-lamazone-et-loren...